Une mission multinationale d’appui à la sécurité doit être déployée en Haïti. Cette mission, autorisée par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies depuis octobre 2023, doit arriver dans le pays à la fin de ce mois de mai, avons-nous appris. Entretemps, les gangs imposent un climat de terreur sur la capitale, les citoyens expriment à la fois des attentes et des inquiétudes.
Comme prévu, le Kenya dirigera cette force avec une troupe de 1 000 agents. D’autres pays, notamment africains et caribéens, participeront à cette mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti.
“L’annonce de l’arrivée des premiers soldats à partir de la fin du mois est un ouf de soulagement. Depuis fin février, je reste cloîtré chez moi. Port-au-Prince est plus que jamais une zone de guerre ”, déclare James, étudiant en sciences politiques à l’Université d’Etat d’Haïti, espérant que cette fois la communauté internationale aidera Haïti à résoudre définitivement le problème des gangs.
Les déclarations de ce jeune universitaire ne sont pas différentes de celles d’un employé d’une ambassade à Port-au-Prince. “Je suis content que définitivement les soldats étrangers vont venir mater les bandits. Cela fait trop longtemps que ces malfrats nous pourrissent la vie. Cette situation a trop duré. Mon plus grand désir en ce moment est de voir les routes nationales libérées de ces ‘San Manman’ ”, lance Georges, d’une voix solide et le visage rempli d’espoir.
Marie Michelle, un Madan Sara (commerçante) de longue date est, elle aussi, confiante. Elle soutient qu’avec le déploiement de la force multinationale, la vie reprendra avec le rétablissement de la sécurité.
“ Vous me voyez. Vous pensez que moi je peux fuir le pays comme font les gens aisés ? Moi, j’ai Haïti et je n’ai pas d’autres pays de secours ”, affirme cette femme de 56 ans. Donc, il faut que les autorités rétablissent un climat sécuritaire dans le pays pour qu’on puisse continuer à vaquer tranquillement à nos activités, sans crainte de se faire voler, violer ou rançonner entre autres, a ajouté la mère de quatre enfants.
Des inquiétudes s’imposent
D’autres citoyens voient les choses avec un regard différent. Des inquiétudes s’imposent également au milieu des attentes de résultats de la part de cette force qui sera déployée sur le terrain miné de bandes armées contrôlant à plus de 80% la capitale, Port-au-Prince.
“ Ce n’est pas la première fois, et peut-être pas la dernière non plus, que des troupes étrangères vont fouler le sol haïtien. Mais cette fois, on espère que la communauté internationale voit les choses différemment. Oui, j’ai des attentes, mais compte tenu des résultats catastrophiques des derniers occupants, le scepticisme prend place dans ma tête ”, déclare François, un citoyen avisé qui a travaillé au quartier général de la Mission des Nations Unies pour la Stabilité d’Haïti (MINUSTAH).
Il dit craindre que les soldats étrangers ne négocient avec les malfrats pour reprendre le contrôle de certaines zones au lieu de les neutraliser.
Gérard, 68 ans, de son côté est plus amer. “ Les blancs, en particulier, les Américains ne nous aiment pas. Ils ne font que défendre leurs intérêts. Je ne crois pas que les étrangers vont venir résoudre le problème de l’insécurité à notre place, pendant que leurs entreprises transnationales sont les fabricants et les vendeurs des armes que les civils armés utilisent pour terroriser la population. Et, leurs entreprises vendent aussi de nombreux matériels pour des millions de billets verts au gouvernement haïtien. L’insécurité est un marché très bénéfique pour eux ”, explique cet ancien militaire.
Il dit croire que l’international va trouver une entente avec les caïds et fera semblant de les combattre pour satisfaire les observateurs. Pour lui, la solution à ce problème ne découlera pas des efforts de la force multinationale.
“ Les Haïtiens doivent s’entendre entre eux, dans un esprit patriotique, afin de mater les gangs. Toutes les couches de la société ont ce devoir envers les ancêtres. L’international quant à lui ne fait que régler ses affaires, tergiverser pour garantir la continuité du système en place à des fins économiques”, dit-il.
Beaucoup sont les membres de la population qui expriment leurs inquiétudes sur une possible volonté de la communauté internationale de rétablir et maintenir la paix dans le pays.
*Le Conseil Présidentiel de Transition *
Entre-temps, selon les informations communiquées ce mardi 7 mai, les membres du Conseil présidentiel de transition ont écrit au président du Kenya, William Ruto pour renouveler la demande du déploiement de la force multinationale, la Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti (MMSS).
Les Conseillers présidentiels suivent les traces du gouvernement Ariel Henry qui s’était contenté pendant environ deux ans de demander le déploiement de cette force pour rétablir la sécurité dans le pays.
Il est à noter que le président kenyan William Ruto avait déclaré le 25 avril dernier, à la suite de l’installation du Conseil Présidentiel, que le Kenya était prêt et disposé, de concert avec les autres pays engagés en faveur de la stabilité d’Haïti, à mettre en œuvre rapidement la mission de soutien à la sécurité envisagée dans le cadre de la résolution 2699 de l’ONU.
Cette résolution, adoptée en octobre 2023, a autorisé la force multinationale pour une période d’un an, avec possibilité de renouvellement.
Les avions militaires américains
Ces dernières semaines plusieurs avions de l’armée américaine sont arrivés à l’aéroport international Toussaint Louverture.
Selon des informations disponibles, ces avions ont notamment transporté des matériels pour entamer la construction du quartier général de la force multinationale à proximité de l’aéroport de Port-au-Prince. L’espace devrait être prêt dans les prochains jours.
En effet, les premières troupes faisant partie de la force, dont celles du Kenya, seront éventuellement déployées dans le pays d’ici la fin du mois de mai, rapportent plusieurs médias internationaux.
Avec l’aval du Congrès américain, l’administration du président Joe Biden a approuvé un programme d’aide militaire de 60 millions de dollars pour Haïti. Cette enveloppe contribuera dans la lutte contre les gangs criminels armés qui sèment la terreur dans le pays.
Il s’agit de la 2e enveloppe approuvée par les États-Unis pour Haïti cette année pour aider à fournir aux forces de l’ordre des véhicules blindés, dont au moins 80 Humvees, 35 transporteurs d’infanterie MaxxPro, des fusils de précision, des équipements anti émeutes, des armes à feu, des munitions et des drones de surveillance, rapporte POLITICO.
Ces armes et ces équipements seront donnés à la Police nationale d’Haïti (PNH) ainsi qu’aux soldats qui feront partie de la mission multinationale.
Ce ne sera pas le premier déploiement militaire étranger dans le pays. La Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) est la dernière mission de l’ONU qui a opéré dans le pays de 2004 au 15 octobre 2017. Elle était composée d’environ 10 000 soldats et policiers.
Le 15 octobre 2017, la Minustah a fait place à la Minujusth (Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti) et le 25 juin 2019, une nouvelle résolution a été adoptée par le Conseil de sécurité qui mettait fin au mandat de la MINUJUSTH pour faire place au Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).
La Rédaction
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